Introduction

Le syndrome de Barth (BTHS en anglais pour Barth Syndrome ; OMIM 302060) est décrit pour la première fois en 1983 par Mr Barth, à partir de l’histoire médicale d’une famille hollandaise sur 3 générations au sein de laquelle plusieurs garçons présentaient une histoire de cardiopathie infantile masculine, neutropénie et myopathie (1).
Le BTHS est une pathologie rare, avec une incidence comprise entre 1/50 000 et 1/300 000 naissances(2). En décembre 2011, l’association américaine, la Barth Syndrome Foundation, recense environ 152 cas signalés pour la moitié aux Etats-Unis et une trentaine en Europe ; une série française en a recensé 22 sur 20 ans(2). Mais ce syndrome reste probablement sous diagnostiqué, car il peut être responsable de défaillance cardiaque mortelle chez des nouveau-nés, pris pour des chocs infectieux ou des morts subites.
Ce syndrome est secondaire à une mutation du gène TAZ codant pour une protéine, la tafazzin. Cette protéine joue un rôle d’acyltransférase et permet le remodelage de la cardiolipine. Pour simplifier les choses, la cardiolipine est une molécule lipidique essentielle de la membrane mitochondriale, elle participe à la stabilisation de cette dernière. Ceci permet à la mitochondrie de bien fonctionner pour produire l’énergie suffisante à la survie cellulaire. A l’inverse, un dysfonctionnement de la mitochondrie provoque un déficit énergétique et aboutit à la mort cellulaire.
La tafazzin participe au remodelage de la cardiolipine en transférant 4 groupements acyl d’une molécule s’appelant MLCL (pour monolysocardiolipine) à la cardiolipine (CL), qui devient alors L4-CL. Un déficit en tafazzin ralentit cette réaction et on observe l’accumulation du MLCL et la diminution de L4-CL. Elément important pour l’orientation diagnostique(3).
De par son expression dans les cellules musculaires, squelettiques et cardiaques, et les précurseurs des polynucléaires neutrophiles, les manifestations du déficit en tafazzin prédominent sur ces organes avec une triade comportant une cardiomyopathie, une neutropénie, et une myopathie.

Transmission génétique

Le syndrome de Barth est une maladie liée à l’X. Le gène TAZ est retrouvé en Xq28. Elle atteint donc essentiellement les garçons. Les mères sont alors porteuses. Toutefois, environ 10% des cas semblent être de novo(4).
Aucunes corrélations génotype/phénotype n’ont été identifiées et une variation phénotypique a été marquée entre les hommes d’une même famille(4).

Expression clinique et hématologique

Les circonstances pour lesquelles on envisage le diagnostic de syndrome de Barth sont assez stéréotypées : la circonstance la plus habituelle est une défaillance cardiaque chez un garçon de moins d’un an à l’occasion d’une fièvre et chez qui une neutropénie est mise en évidence. Mais d’autres circonstances peuvent amener au diagnostic de la maladie de Barth : une mort subite chez un garçon dans un contexte fébrile d’autant plus qu’il y a une cardiomyopathie à l’autopsie, ou une cardiomyopathie isolée.

L’aspect cardiologique paraît malgré tout très particulier, car associant à la fois une cardiomyopathie hypertrophique et dilatée, 2 aspects usuellement exclusifs. L’anomalie typique est un NON compaction du ventricule gauche. L’atteinte cardiaque a une expression très sévère dans les 2 premières années de vie et elle est alors une cause très fréquente de décès des enfants. Cette atteinte cardiaque peut très facilement se décompenser lors des infections virales simples du nourrisson. Si le cap des 3 ans est passé, cette cardiopathie semble être stable avec une normalisation de la fonction cardiaque chez plus que 50% des patients au-delà de 3 ans. Dans les premiers mois de vie, la défaillance cardiaque peut amener à indiquer une transplantation cardiaque. Une arythmie ventriculaire, notamment à l’adolescence, peut être cause de mort subite. Ce trouble de rythme ventriculaire est indépendant du degré de la cardiomyopathie.

La neutropénie est à l’origine d’infections cutanées bactériennes et d’aphtoses buccales récidivantes sans réel critère de gravité. Elle est parfois sévère. Les nouveau-nés ‘Barth’ peuvent avoir des infections virales ‘usuelles’ mais avec des conséquences majeures et pouvant aussi mettre en jeu le pronostic vital par le bais de décompensation cardiaque. Ces infections sévères sont le deuxième mode classique de découverte du syndrome de Barth. Le degré de neutropénie varie d’un nombre quasi normal de polynucléaires neutrophiles à l’absence totale de neutrophiles circulants. La neutropénie est par ailleurs intermittente, décrite comme cyclique chez certains patients. Elle peut donc être absente sur une numération isolée, d’où la nécessité de répéter les prélèvements. Le myélogramme retrouve inconstamment un arrêt de maturation au stade promyélocytaire. Comme dans les autres neutropénies congénitales, une monocytose, une hyperéosinophilie sont associées à la neutropénie de façon inversement proportionnelle à celle-ci. On ne décrit pas d’anomalies des autres lignées sanguines.

Quelques éléments biologiques peuvent orienter le clinicien, mais ils ne sont pas de pratique courante. On peut ainsi retrouver sur la chromatographie des acides organiques urinaires une acidurie organique avec augmentation notamment de l’acide 3-methylglutaconique. Cependant, même si l’acidurie 3-méthylglutaconique est considérée comme un marqueur classique du syndrome, elle peut être absente. La biopsie musculaire lorsqu’elle est réalisée retrouve un aspect de surcharge lipidique. Les marqueurs les plus spécifiques du Barth sont la cardiolipine (CL) et la monolysocardiolipine (MLCL) usuellement dosées sur une culture de fibroblastes mais aussi sur le sang. Elles sont respectivement retrouvées diminuée et augmentée sur les cultures de fibroblastes de patients atteints. La spécificité et la sensibilité pour le diagnostic de Barth sont proches de 100% avec un seuil de 0.3 pour le ratio MLCL/CL.

Même si elle n’est pas au premier plan, la myopathie fait partie intégrante du tableau clinique du syndrome de Barth. Elle atteint préférentiellement les muscles proximaux des ceintures scapulaires et pelviennes. Elle se manifeste d’abord par une hypotonie axiale chez le tout-petit, puis par l’apparition d’un signe de Gowers (ou de Tabouret) à l’acquisition de la marche. Il existe d’ailleurs souvent un retard de quelques mois dans le développement moteur avec un apprentissage de la marche décalé de quelques mois. Les patients présentent également une intolérance à l’effort, imputable non seulement à la cardiopathie mais aussi à l’atteinte musculo-squelettique. L’autonomie des patients est cependant conservée et les performances motrices tendent à s’améliorer avec l’âge.

La croissance staturo-pondérale, malgré des mensurations de naissances en général dans la moyenne, est marquée par une décélération dans les 2 premières années de vie. Cependant après la puberté, la plupart des patients atteint une taille quasi égale ou égale à la taille cible calculée.
Enfin, il existe une dysmorphie faciale syndromique, associant notamment large front, visage joufflu, yeux enfoncés et oreilles et menton proéminents.

Thérapeutique

A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement spécifique du syndrome de Barth.
La dysfonction cardiaque peut répondre au traitement habituel de l’insuffisance cardiaque associant les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les bêtabloquants et les diurétiques. La digoxine a aussi une place importante de même que la mise en place de défibrillateurs automatiques implantables en cas de troubles du rythme ventriculaire. En cas d’insuffisance cardiaque sévère ne répondant pas au traitement classique, la transplantation classique a montré de bons résultats, mais en général la défaillance cardiaque a un caractère transitoire dans cette maladie et les paramètres fonctionnels cardiaques s’améliorent avec le temps.
La prise en charge de la neutropénie fait appel à l’antibiothérapie prophylactique et au G-CSF comme traitement de fond. Le recours à des supports nutritionnels, y compris par sonde nasogastrique est parfois nécessaire, notamment chez les plus petits, devant les difficultés de prise de poids et d’alimentation.
La kinésithérapie et la psychomotricité sont essentielles dans le soin de la myopathie. Le suivi dentaire tient aussi une importance majeure.
D’autres traitements ont été employés de façon plus anecdotique sans réelle preuve d’efficacité clinique actuellement : la L-carnitine, la leucine, le Coenzyme Q, l’acide linoléique, l’acide panthoténique, ainsi que le pimobendan dans un cas de décompensation cardiaque aiguë.

Bibliographie

  1. Barth PG, Scholte HR, Berden JA, Van der Klei-Van Moorsel JM, Luyt-Houwen IE, Van ’t Veer-Korthof ET, et al. An X-linked mitochondrial disease affecting cardiac muscle, skeletal muscle and neutrophil leucocytes. J Neurol Sci. 1983 Dec;62(1–3):327–55.
  2. Rigaud C, Lebre A-S, Touraine R, Beaupain B, Ottolenghi C, Chabli A, et al. Natural history of Barth syndrome: a national cohort study of 22 patients. Orphanet J Rare Dis. 2013 May 8;8:70.
  3. Ghosh S, Iadarola DM, Ball WB, Gohil VM. Mitochondrial dysfunctions in barth syndrome. IUBMB Life. 2019;71(7):791–801.
  4. Clarke SLN, Bowron A, Gonzalez IL, Groves SJ, Newbury-Ecob R, Clayton N, et al. Barth syndrome. Orphanet J Rare Dis. 2013 Feb 12;8:23.