Le gène de la neutrophile elastase ELANE a été le premier gène déterminé dans une neutropénie ‘pure’, sans aucune anomalie associée et ceci en 1999. Ce gène (initialement appelé ELA2) a d’abord été mis en évidence par une analyse de liaison en partant de 13 familles de neutropénies cycliques, dont la transmission génétique sur mode dominant avait été observée auparavant. Rapidement après cette découverte, des mutations ELANE ont été mise en évidence chez des patients ayant des neutropénies permanentes, dénomées auparavant « neutropénie de type Kostmann ». Cette découverte a réuni 2 entités que l’on pensait jusqu’alors distinctes: la neutropénie congénitale sévère et la neutropénie cyclique.
L’expression hématologique de cette maladie et ses conséquences infectieuses dépendent grandement du caractère permanent ou intermittent de la neutropénie, qui est le plus souvent décrite comme neutropénie permanente ou comme neutropénie cyclique. Cependant dans la réalité des manifestations cliniques, il existe une gradation entre les formes cliniques, avec des formes de frontières, et des formes qui peuvent être cycliques ou permanentes à des temps différents de leur vie. De plus, l’aspect médullaire des formes permanentes caractérisé par le blocage de maturation se retrouve chez les patients ayant des formes intermittentes – à certain moment de leur cycle. Les patients porteurs de ces anomalies ne présentent pas de pathologies malformatives associées.
Dans le sous-type ‘neutropénie permanente‘, la neutropénie est profonde, en règle générale constamment inférieure à 0,2 x109/l, associée à diverses anomalies biologiques réactionnelles au déficit en neutrophiles : monocytose, éosinophilie, thrombocytose, syndrome inflammatoire avec hypergammaglobulinémie portant sur tous les isotypes des immunoglobulines. La neutropénie est retrouvée dès la période néo-natale. La caractéristique médullaire essentielle est le blocage de la lignée granulocytaire au stade promyélocyte, associé à une éosinophilie et à une monocytose. Il s’agit de l’entité la plus sévère parmi les neutropénies congénitales, à la fois par l’âge de la découverte, le chiffre de neutrophiles, la profondeur du blocage médullaire, le nombre et la gravité des infections, et le recours au G-CSF comme thérapeutique. Ces patients sont essentiellement exposés à des infections bactériennes, exceptionnellement à des infections mycotiques. L’état bucco dentaire de ces patients est très médiocre et la para-odontopathie est présente dès le début de la dentition infantile. Des pertes dentaires définitives peuvent être présentes dès la puberté, entraînant une édentation dans la 2ème décade. Ces patients sont exposés à une forte incidence spontanée de leucémie secondaire estimée à environ 15% à l’âge de 20 ans, ceci dépendant à la fois de la sévérité de la maladie et du traitement par G-CSF si celui-ci est donné à forte dose. Environ 1 à 2% de ces neutropénies sont peu ou pas sensibles au G-CSF, c’est à dire que le chiffre des neutrophiles ne s’élève pas en dépit de dose quotidienne de G-CSF supérieure à 50 µg/kg/jour.
Dans le sous-type ‘neutropénie cyclique‘, la variation des neutrophiles est intermittente. Typiquement ces patients présentent, à intervalles réguliers, des épisodes de fièvre, de douleurs abdominales et/ou de stomatite. Ces symptômes correspondent aux périodes de nadir (taux le plus bas) des polynucléaires et durent de 2 à 4 jours. Classiquement, un rythme d’un nadir tous les 21 jours est décrit. Dans la réalité, les données sont très parcellaires, car il n’est pas possible de répéter des hémogrammes sur une longue durée. De plus, même quand on dispose de périodes d’observations complètes, le rythme réel des nadirs est variable dans le temps pour un même patient et se situe entre 11 et 52 jours. Il peut exister de très longues périodes asymptomatiques dans la vie de ces patients, mais malgré tout, à l’occasion d’un épisode neutropénique, des infections parfois très sévères, voire létales peuvent être observées.
On peut considérer qu’il n’y a pas pour la neutropénie ELANE de thérapeutique spécifique et le point clé est ici la prévention des infections sévères, de l’atteinte stomatologique et la prévention du risque leucémique. Le traitement de première intention est l’antibioprophylaxie au long cours de type Bactrim. En cas d’infection sévère, ou d’atteinte stomatologique récurrente, le recours au G-CSF s’impose. Si la dose de G-CSF nécessaire pour obtenir un état clinique satisfaisant est importante (en pratique, supérieure à 10 µg/kg/jour) de façon constante, se discute alors une greffe de moelle. Il existe aussi des formes franchement réfractaires au G-CSF (pas d’augmentation des neutrophiles malgré des doses de plus de 50 µg/kg/jour) qui vont faire indiquer la greffe de moelle très précocement.
Il est notable qu’en utilisant ces règles, depuis près de 10 ans, il n’y a pas eu de cas de leucémies observés en France, par le registre français.