Introduction

La neutropénie associée aux mutations du gène G6PC3 (OMIM 612541) a été décrite en 2009 par l’équipe de K Botzug et C Klein, à partir de plusieurs cas appartenant à la communauté chaldéenne immigrés en Allemagne[1]. Les 2 premières descriptions cliniques avaient été faites en 1982 [2]et 1994 [3] par des équipes françaises. En 2020, environ 100 cas sont décrits tandis que le registre français en recense 16 non rapportés, soit environ 0.8% des neutropénies chroniques.
Cette neutropénie est secondaire à des mutations du gène codant pour l’enzyme G6PC3, qui joue un rôle dans le métabolisme glucidique. Elle est localisée au niveau du réticulum endoplasmique et permet la transformation du glucose-6-phosphate en glucose. La mutation du gène G6PC3 altère un composant catalytique de ce complexe enzymatique qui comporte 2 autres protéines : une translocase (enzyme qui transporte le glucose 6 phosphate depuis le cytoplasme vers le réticulum endoplasmique) et la phosphatase elle-même. On peut ainsi comprendre que l’altération de l’enzyme G6PC3 a des conséquences proches de celle de la translocase, responsable de la glycogénose Ib, bien qu’il n’y ait ni atteinte hépatique, ni métabolique (notamment pas d’hypoglycémies à jeun) dans le déficit en G6PC3.
Les travaux d’une équipe belge au début 2019 ont montré que la neutropénie, à la fois de la neutropénie G6PC3 et de la Glycogénose Ib, est liée à l’accumulation d’une substance qui est une autre sucre que le glucose. Ce « 2ème » sucre s’appelle 1,5-anhydroglucitol et s’accumule dans le cytoplasme et le sérum. C’est lui qui entraîne la neutropénie et les manifestations infectieuses[4]. . Cette découverte est très importante car elle ouvre la voie à des traitements par des molécules de la classe des glifozines qui sont des anti-diabétiques oraux.

Transmission génétique

Cette neutropénie est due à des mutations homozygotes du gène G6PC3, c’est-à-dire que les 2 allèles sont mutés. Elle est donc de transmission autosomique récessive. Les sujets portant une seule mutation sont appelés hétérozygotes et sont des porteurs sains asymptomatiques.
Le gène G6PC3 est situé sur le chromosome 17 en 17q21.31.

Expression clinique et hématologique

La neutropénie est bien sûr au premier plan du tableau clinique, mais elle peut être variable dans le temps et peut être associée à d’autres anomalies comme une thrombopénie modérée. L’aspect médullaire s’avère être également variable, montrant usuellement un blocage de maturation, mais parfois ne montrant aucun blocage et même un aspect de myélokathexis. Sur le plan immunologique, il existe dans les cas étudiés un déficit des T naïf associé à une hyperplasie B et une hypergammaglobulinémie.
En dehors de la neutropénie, des atteintes extra sanguines sont associées ici et conduisent au diagnostic.
La peau est particulière avec un caractère très fin de la peau et un réseau veineux superficiel très visible. Au niveau du cou, la peau marque un épaississement en bourrelet et le visage présente parfois par un front bombant.
Les malformations cardiaques, quand elles sont présentes, sont assez stéréotypées, comportant toujours une communication intra auriculaire.
De façon moins constante sont aussi associées des malformations uro-génitales, avec reflux vésico urétéral de grade III.
Enfin, ces patients présentent fréquemment une maladie de Crohn authentique par l’aspect de la muqueuse digestive. On peut enfin retrouver une hypertension artérielle pulmonaire, un cavernome portal et donc des troubles vasculaires. Un seul cas dans la cohorte française a développé une leucémie aiguë myéloïde sur un syndrome myélodysplasique[5].

Thérapeutique

La prise en charge de la neutropénie n’a rien de spécifique. On peut utiliser une antibiothérapie prophylactique, à base de cotrimoxazole (BACTRIM®) et, en cas d’infections, le traitement avec le facteur de croissance granulocytaire (G-CSF) maintient un chiffre absolu de neutrophiles suffisant pour réduire le nombre d’infections bactériennes.
La prise en charge de ces patients doit être pluridisciplinaire incluant des cardiologues, des urologues, des endocrinologues et des gastro-entérologues. Ceci permet un dépistage précoce et un traitement adéquat des cardiopathies congénitales, des malformations urinaires, des carences hormonales, et de la maladie de Crohn.
La prévention des complications secondaires passe par une bonne hygiène dentaire, notamment un brossage dentaire soigneux et des visites régulières chez le dentiste, contribuant ainsi à réduire le risque d’infection. Ceci permet à ces patients de limiter l’atteinte gingivale chronique et de maintenir leur capital dentaire.
Un suivi fréquent par un hématologue est souhaité à tout âge.
La bonne compréhension du mécanisme de la maladie et du déficit moléculaire semble être prometteuse sur le plan thérapeutique et un essai est en cours pour traiter ces patients par une glifozine.

Bibliographie

  1. Boztug K, Appaswamy G, Ashikov A, Schaffer AA, Salzer U, Diestelhorst J, et al. A syndrome with congenital neutropenia and mutations in G6PC3. N Engl J Med 2009;360:32-43.
  2. Vannier JP, Arnaud-Battandier F, Ricour C, Schmitz J, Buriot D, Griscelli C, et al. [Chronic neutropenia and Crohn’s disease in childhood. Report of 2 cases ]. Archives Francaises de Pediatrie 1982;39:367-70.
  3. Stoll C, Alembik Y, Lutz P. A syndrome of facial dysmorphia, birth defects, myelodysplasia and immunodeficiency in three sibs of consanguineous parents. Genetic Counseling 1994;5:161-5.
  4. Veiga-da-Cunha M, Chevalier N, Stephenne X, Defour JP, Paczia N, Ferster A, et al. Failure to eliminate a phosphorylated glucose analog leads to neutropenia in patients with G6PT and G6PC3 deficiency. Proc Natl Acad Sci U S A 2019;116:1241-50.
  5. Desplantes C, Fremond M, Beaupain B, Harousseau J, Buzyn A, Pellier I, et al. Clinical spectrum and long-term follow-up of 14 cases with G6PC3 mutations from the French severe congenital neutropenia registry. Orphanet J Rare Dis 2014;9:183.