Introduction

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le pédiatre Rolf Kostmann a décrit les premiers enfants atteints de neutropénie congénitale [1]. Ces cas étaient rassemblés dans une région géographique très limitée: une petite paroisse proche du cercle polaire, Overkalix (http://www.overkalix.se/), qui était considérée comme un isolat de population avec un taux de consanguinité très élevé. Dans son rapport original, publié en 1950 en suédois[1]puis en 1956 en anglais[2], Kostmann a analysé six enfants atteints d’« agranulocytose génétique infantile ». Ce qui fut nommé plus tard « syndrome de Kostmann ». La description clinique et hématologique étant extrêmement complète, ce nom a été étendu pendant des années à toutes les neutropénies congénitales.

Dans une revue de mise à jour publiée en 1975[3], Kostmann a signalé dix nouveaux cas du même pedigree (famille) original (« famille Kostmann »). Cette fois ci, grâce à l’utilisation des antibiotiques, les sujets atteints avaient une survie plus longue et presque la totalité présentait des manifestations neurologiques à partir de leurs 2èmes décades (à partir de l’âge de 10 ans).
Il a fallu ainsi plus de 50 ans pour trouver l’origine génétique de cette maladie. En 2007, à partir de l’analyse de plusieurs pedigrees de patients atteints de neutropénie sévère, originaires du Kurdistan et vivant en Allemagne, l’équipe de Christoph Klein a trouvé une mutation dans le gène HAX1 (Hematopoietic cell-specific Lyn substrate 1, associated protein X 1) et a montré dans la suite que 3 patients issus du pedigree original décrit par Kostmann étaient mutés[4]. Ainsi fut décrit la neutropénie congénitale HAX-1 (OMIM 610738).

La protéine HAX-1 (OMIM 605998) est une protéine ubiquitaire (exprimée dans la majorité des cellules). Elle joue aussi dans le processus de maturation médullaire des polynucléaires neutrophiles ET un rôle essentiel dans la survie des cellules nerveuses. En effet, le gène HAX1 code pour 2 isoformes de HAX-1 (2 formes différentes de la protéine). Ce processus s’appelle épissage alternatif et permet de produire à partir d’un seul gène deux protéines apparentées en sélectionnant les régions de l’ADN qui seront représentées au niveau des isoformes. La résultante étant un isoforme A exprimé dans les cellules hématopoïétiques et un isoforme B exprimé dans les cellules nerveuses. Ainsi, une mutation de la région formant sélectivement l’isoforme A se manifestera par une neutropénie congénitale isolée. Alors, que celles affectant les régions communes aux 2 isoformes entraineront une neutropénie avec des atteintes neurologiques[5]. Les conséquences de l’atteinte neurologique peuvent être majeures, conduisant les enfants à une dégradation neurologique majeure dès les premières années de vie[6].

La distribution des cas n’est pas homogène. Il existe une concentration des cas en Asie mineure, dans une bande allant du Liban au Cachemire, avec un point chaud dans le Kurdistan. A contrario, cette entité est rare ailleurs, à l’exception de la Suède. Le registre national français recense 5 cas, tous originaires d’Asie mineure et une étude de 162 patients d’Amérique du Nord ne retrouve aucune mutation HAX1.

Transmission génétique

La neutropénie HAX1 est transmise sous un mode autosomique récessif. Un patient est donc homozygote (mutation sur les 2 allèles).
Les parents d’un enfant malade sont hétérozygotes (c’est-à-dire porteurs sains d’un variant pathogène du gène HAX1). Les hétérozygotes (porteurs) sont asymptomatiques et ne risquent pas de développer la maladie.
Quant à la fratrie de l’enfant atteint : à la conception, chaque frère ou sœur d’un individu atteint a 25% de risque d’être affecté, 50% de chances d’être porteur asymptomatique et 25% de chances de n’être ni affecté ni porteur.
Les descendants d’un individu atteint de neutropénie HAX1 sont obligatoirement hétérozygotes (porteurs).
Le gène HAX1 est situé sur le chromosome 1 (1q21.3).

Expression clinique et hématologique

L’expression première de la maladie est hématologique et comporte une neutropénie profonde, en règle générale inférieure à 0,2×109/l, associée à diverses anomalies biologiques réactionnelles au déficit en neutrophiles : monocytose, éosinophilie, thrombocytose, syndrome inflammatoire avec hypergammaglobulinémie portant sur tous les isotypes des immunoglobulines. La neutropénie est retrouvée dès la période néo-natale et s’associe à des infections sévères. Il n’existe pas de déficit quantitatif ou fonctionnel lymphocytaire.
L’atteinte neurologique, quant à elle, associe un retard de développement psychomoteur, un retard intellectuel d’intensité variable et une épilepsie. L’IRM cérébrale peut montrer des anomalies au niveau du noyau lenticulaire, des atrophies corticales cérébrales et cérébelleuses, et des défauts de myélinisation de la substance blanche périventriculaire.

Thérapeutique

Les patients présentant une neutropénie HAX1 répondent à l’administration sous-cutanée quotidienne du facteur de croissance granulocytaire (le G-CSF), limitant ainsi la fréquence des infections graves. Ce traitement peut être couplé à une prophylaxie antibactérienne (Triméthoprime/sulfamethoxazole). Un suivi hématologique régulier est recommandé afin d’adapter la posologie, de rechercher les effets secondaires du traitement et de dépister les complications potentielles.
Dans la vie quotidienne, des soins interdisciplinaires doivent impliquer non seulement l’hématologie pédiatrique, mais également la médecine dentaire pédiatrique et la neurologie pédiatrique (pour les patients dont les mutations spécifiques affectent la fonction des cellules neuronales) ainsi que le soutien psychosocial.
La seule approche curative disponible est une greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques – du moins pour les patients ne souffrant pas de dysfonctionnement neuronal sévère. En effet la greffe de moelle osseuse n’améliore pas l’atteinte neurologique chez ces patients[6]. Actuellement, la plupart des experts recommandent cette procédure uniquement aux patients qui présentent des signes de myélodysplasie ou qui sont réfractaires (non-répondants) au traitement par G-CSF. Cependant, les risques et les avantages doivent être réévalués en permanence à la lumière des nouvelles découvertes.

Bibliographie

  1. Kostmann R. Hereditär reticulos – en ny systemsjukdom. Svenska Läkartideningen 1950;47:2861-8.
  2. Kostmann R. Infantile genetic agranulocytosis; agranulocytosis infantilis hereditaria. Acta Paediatr Suppl 1956;45:1-78.
  3. Kostmann R. Infantile genetic agranulocytosis. Acta Paediatrica Scandinavica 1975;64:362-8.
  4. Klein C, Grudzien M, Appaswamy G, Germeshausen M, Sandrock I, Schaffer AA, et al. HAX1 deficiency causes autosomal recessive severe congenital neutropenia (Kostmann disease). Nat Genet 2007;39:86-92.
  5. Germeshausen M, Grudzien M, Zeidler C, Abdollahpour H, Yetgin S, Rezaei N, et al. Novel HAX1 mutations in patients with severe congenital neutropenia reveal isoform-dependent genotype-phenotype associations. Blood 2008;111:4954-7.
  6. Roques G, Munzer M, Barthez MA, Beaufils S, Beaupain B, Flood T, et al. Neurological findings and genetic alterations in patients with Kostmann syndrome and HAX1 mutations. Pediatr Blood Cancer 2014;61:1041-8.