Introduction

La neutropénie JAGN1 (OMIM 616022) a été décrite pour la première fois en 2014 par Boztug et al(1) à partir de l’étude d’une grande famille de patients suivis à Paris dans le Centre de Référence des Neutropénies. Elle est due à une mutation homozygote du gène JAGN1 situé sur le chromosome 3 (3p25.3).
La protéine JAGN1, pour Jagunal 1, est une protéine membranaire du réticulum endoplasmique (RE) jouant un rôle dans la synthèse protéique et le trafic intracellulaire entre le RE et le corps de Golgi. Les cellules des patients JAGN1 muté sont caractérisées par un manque de granules azurophiles, une N-glycosylation aberrante de plusieurs protéines, et une augmentation de l’apoptose, avec des signes de stress spécifique au RE(1).
D’autres auteurs ont également noté l’intérêt de cette protéine dans l’action bactéricide du neutrophile en modulant l’expression de la myéloperoxydase (MPO), protéase ayant une action antibactérienne et antifongique, au niveau des NET (Neutrophil Extracellular Trap). Ces derniers sont des réseaux extracellulaires de chromatine riches en enzymes protéolytiques se constituant après la lyse du neutrophile et capables de piéger les bactéries et les champignons(2). Autre fait intéressant, la mutation du gène JAGN1 est associée à une expression diminuée du récepteur au facteur de croissance granulocytaire (G-CSF). Cet élément aura une répercussion en pratique courante.

Transmission génétique

La neutropénie JAGN1 se transmet selon un mode autosomique récessif.
Un patient est donc homozygote (mutation sur les 2 allèles).
Les parents d’un enfant malade sont hétérozygotes (c’est-à-dire porteurs sains d’un variant pathogène du gène JAGN1). Les hétérozygotes (porteurs) sont asymptomatiques et ne risquent pas de développer la maladie.
Au sein d’une fratrie d’un enfant atteint : à la conception, chaque frère ou sœur d’un individu atteint a 25% de risque d’être affecté, 50% de chances d’être porteur asymptomatique et 25% de chances de n’être ni affecté ni porteur.

Expression hématologique et clinique

L’expression de la maladie est très variable. Certains patients présentent une neutropénie isolée, alors que d’autres présentent une neutropénie associée à des manifestations extra-hématologiques.
La neutropénie chez ces patients est modérée à profonde, associée à des infections sévères et graves (ORL, respiratoires et cutanées). Elle est accompagnée d’une atteinte stomatologique chronique et récidivante (aphtose récurrente, parodontopathie chronique, hypertrophie gingivale). Un blocage de maturation au stade promyélocytaire est fréquemment vu. Mais cet arrêt est parfois intermittent. Autre particularité, cette neutropénie a une mauvaise réponse au G-CSF ce qui nécessite des posologies très élevées. Ceci est peut-être en partie expliqué par le manque d’expression du récepteur membranaire du G-CSF antérieurement décrit. Jusqu’à présent aucun syndrome myélodysplasique ou hémopathie maligne n’a été rencontré dans ce type de neutropénie.
Des formes syndromiques existent, leurs présentations sont extrêmement variables. Plusieurs comorbidités ont été rapportées : un retard de croissance statural, une sténose hypertrophique du pylore, une épilepsie focale, une hématopoïèse extramédullaire (crânienne), une dysplasie bilatérale de la hanche, une ostéoporose précoce, une amélogenèse imparfaite (email dentaire), une coarctation de l’aorte, une hypothyroïdie congénitale, et un déficit d’acquisition du langage(3,4) et enfin un tableau qui ressemble à la maladie de Shwachman avec une insuffisance pancréatique externe.

Thérapeutique

Il n’existe pas de traitement spécifique pour la neutropénie JAGN1.
Le traitement repose sur la prophylaxie antibactérienne, l’administration du G-CSF, le maintien d’une hygiène bucco-dentaire et le traitement des épisodes d’infections aiguës.
On peut être amené à arrêter le traitement par G-CSF si les douleurs sont trop importantes.
La greffe de cellules souches hématopoïétiques reste le seul traitement curatif de cette pathologie mais à ce jour la plupart du temps, l’état des patients ne le nécessite pas.

Bibliographie

  1. Boztug K, Järvinen PM, Salzer E, Racek T, Mönch S, Garncarz W, et al. JAGN1 deficiency causes aberrant myeloid cell homeostasis and congenital neutropenia. Nat Genet. sept 2014;46(9):1021‑7.
  2. Khandagale A, Lazzaretto B, Carlsson G, Sundin M, Shafeeq S, Römling U, et al. JAGN1 is required for fungal killing in neutrophil extracellular traps: Implications for severe congenital neutropenia. J Leukoc Biol. 2018;104(6):1199‑213.
  3. Baris S, Karakoc-Aydiner E, Ozen A, Delil K, Kiykim A, Ogulur I, et al. JAGN1 Deficient Severe Congenital Neutropenia: Two Cases from the Same Family. J Clin Immunol. mai 2015;35(4):339‑43.
  4. Cifaldi C, Serafinelli J, Petricone D, Brigida I, Di Cesare S, Di Matteo G, et al. Next-Generation Sequencing Reveals A JAGN1 Mutation in a Syndromic Child With Intermittent Neutropenia. J Pediatr Hematol Oncol. 2019;41(4):e266‑9.