Le syndrome de Shwachman-Diamond (SDS) (OMIM 260400) est une maladie multisystémique génétique, de transmission autosomale récessive.
Ce syndrome a été initialement décrit en 1961 par Nezelof[1], dans les archives de pédiatrie. En 1964, Shwachman et al[2] offre en anglais une description complète de 6 cas et donnent leur nom au syndrome. Les plus importantes cohortes de patients sont la cohorte suivie de Toronto, Canada[3], la cohorte française[4], la cohorte italienne (M Cipolli, Verone, Italie) et la cohorte américaine [5].
L’anomalie génétique du SDS a été identifié en 2003 et concerne un gène dénommé SDBS[6]. Ce gène code pour une protéine impliquée dans la biosynthèse du ribosome 80S[7]. La très grande majorité des patients qui ont à la fois une neutropénie et une insuffisance pancréatique externe (près de 97%) présente cette anomalie génétique et les mutations impliquées sont assez homogènes.
Les données françaises permettent d’estimer à 1 cas pour 200 000 naissances l’incidence annuelle.
Le syndrome de Shwachman est une maladie autosomique récessive. Il est dû à une mutation biallélique du gène SBDS, situé sur le chromosome 7 (7q11.21). Dans 2/3 des cas il s’agit de la mutation composite p.Lys62X / p.Cys84fs. Un diagnostic anténatal peut être proposé.
Le premier défi que soulève la maladie de Shwachman est son diagnostic. Son caractère multisystémique fait évoquer son diagnostic dans de nombreuses circonstances. Les signes d’appels peuvent être aussi variés qu’une détresse respiratoire néo natale avec dystrophie thoracique, une cytopénie modérée ou au contraire une pancytopénie, une diarrhée chronique, plutôt graisseuse avec retard de croissance voire un tableau d’anorexie rebelle néonatale, une cytolyse hépatique, un eczéma sévère, une ichtyose. Au bout du compte, l’association d’une neutropénie intermittente et d’une insuffisance pancréatique externe sont 2 éléments majeurs qui amènent à évoquer le diagnostic, qui sera ensuite confirmé par l’étude génétique.
Le syndrome de Shwachman, en dépit d’une homogénéité génétique, a une expression clinique très variable, et chaque patient garde une identité propre.
A l’état de base, l’atteinte hématologique est souvent minime (neutropénie pas ou peu symptomatique) et les troubles digestifs sont contrôlés par la prise d’enzymes pancréatiques.
Mais sur un fond plutôt indolent, s’ajoutent des complications qui constituent la gravité de la maladie.
Les complications hématologiques[4] concernent près de 40 % des patients et sont responsables de la majorité des décès précoces. Elles se manifestent par une majoration de la cytopénie avec une atteinte de la lignée plaquettaire ou érythrocytaire en dessous d’un certain seuil (plaquettes < 20 000/mm3 ou hémoglobine < 7 gr/dl). Une telle situation doit être explorée par un myélogramme et un examen cytogénétique de la moelle, afin de distinguer 2 situations : A/ une transformation maligne (leucémie aiguë ou myélodysplasie) clonale ou B/ une cytopénie réfractaire non clonale avec parfois des aspects dystrophiques de la moelle. L’évolution de ces 2 complications est très contrastée. Les transformations malignes sont peu sensibles à la chimiothérapie, et la transplantation médullaire, seule approche curative, a encore des résultats médiocres à ce jour. Les cytopénies réfractaires non clonales sont parfois transitoires et résolutives en moins de 3 mois. Si elles persistent au-delà de 3 mois, elles sont curables par une transplantation médullaire[8]. A côté de ces épisodes hématologiques sévères, on observe parfois lors des examens cytogénétiques médullaires systématiques des clones comme un iso chromosome 7 ou une délétion interstitielle 20 q, sans valeur péjorative[9].
L’insuffisance pancréatique externe a un impact variable sur la vie quotidienne et l’état nutritionnel. Le transit des patients apparaît très sensible à l’alimentation, avec une très mauvaise tolérance des repas gras, mais parfois aussi des allergies alimentaires complexes. Les carences en vitamines liposolubles A, D, E et K, étant très fréquentes et retentissant sur de nombreux autres organes, doivent être surveillées et compensées. Dans la toute petite enfance, une anorexie tenace avec une dénutrition et une atrophie villositaire subtotale peuvent être observées. Parfois, une nutrition entérale, avec pose d’une gastrostomie, voire une nutrition parentérale, sont nécessaires. Une cytolyse hépatique (marquée par des enzymes hépatiques parfois > 10 fois les normes) ou une cholestase peuvent être présentes, usuellement non symptomatique.
Les complications osseuses concernant la cage thoracique peuvent avoir un retentissement néo natal avec un thorax étroit limitant l’autonomie respiratoire. L’atteinte des membres et du rachis entraîne des complications après l’âge de la marche[10]. La fragilité des cartilages est responsable d’épiphysiolyse et de malpositions coxo-fémorales. La dysplasie métaphysaire de l’extrémité inférieure des fémurs peut entraîner des défauts d’alignements des membres inférieurs, et enfin des scolioses sévères peuvent être observées un peu avant ou durant la puberté. L’ensemble de ces complications et la déminéralisation induite par la carence en vitamine D peuvent se compliquer de fractures à l’âge adulte ou être responsables d’un handicap permanent dans la mobilité, avec marche en canard et douleurs chroniques. Cette atteinte explique en partie une petite taille finale parfois franchement inférieure à 150 cm, peu sensible à un traitement par hormone de croissance.
Les difficultés des apprentissages et retard intellectuel sont très fréquents[11]. Ils varient depuis des difficultés psycho affectives précoces avec des traits autistiques, jusqu’à une capacité intellectuelle sub-normale. Dans la cohorte française, près de la moitié des enfants sont dans une situation de difficultés scolaires importantes, avec plus de 2 ans de retard scolaire par rapport à leur classe d’âge et une scolarité en CLISS. Seulement un tiers des patients poursuit un cursus scolaire complètement satisfaisant et est autonome à l’âge adulte avec une activité professionnelle.
La fécondité des personnes porteuses d’une maladie de Shwachman est difficile à comparer à une population témoin du fait des comorbidités. Cependant, pour les hommes et femmes atteignant l’âge adultes, elle apparaît possible. En 2014, parmi une trentaine d’adulte de la cohorte française, 4 femmes et 2 hommes adultes ont donné naissance à 10 enfants, sans complications notables.
A l’état « basal », le suivi de ces patients est d’abord gastro-entérologique et hématologique. Il faut compenser l’insuffisance pancréatique externe par un apport d’extrait pancréatique régulier et adapté à l’alimentation, surveiller et compenser des carences en vitamines liposolubles A, D, E et K. Une aide éducative apparaît très utile, car pratiquement tous les patients rencontrent des difficultés des apprentissages scolaires.
Le suivi hématologique est aussi nécessaire, quoique la neutropénie présente puisse être ‘asymptomatique’, ne nécessitant ni l’utilisation de facteur de croissance hématopoïétique, ni même d’antibiothérapie prophylactique.
Compte tenu de la fréquence importante des transformations leucémiques, un suivi systématique sur le plan moléculaire est maintenant mis en place[12]. Tous les patients peuvent bénéficier d’une étude moléculaire NGS, soit sur le sang, soit sur la moelle. Sur la moelle et le sang, une étude moléculaire est faite par technique dite targeted NGS: en pratique, on regarde d’un coup près de 50 mutations connues dans les leucémies ‘myéloïdes’. L’étude est faite à l’hôpital Saint Antoine (Pr Delhommeau/ Dr Hirsch/ Dr Martignoles). Ces analyses sont ensuite répétées dans le temps pour détecter une évolution, une tendance. Les résultats de cette étude ont été rapportés lors de congrès (par exemple ESID sept 2019)[13] et sont en cours de publication.
[13] Dynamic and impact of acquired TP53 mutationS in the hematological complications of Shwachman-Diamond syndrome JA. Martignoles (1) ; P. Hirsch (1) ; B. Beaupain (2) ; P. Flandrin-Gresta (3) ;H. Moatti (4) ; N. Aladjidi (5) ; T. Leblanc (6) ; V. Asnafi (7) ; V. Gandemer (8) ;B. Neven (9) ; G. Leverger (10) ; PS. Rohrlich (11) ; I De meitz ‘) J. Soulier (12) ;H. Lapillonne (13) ; C. Bellanné-Chantelot (14);F. Delhommeau (1), J. Donadieu (2); Registre des neutropénies – Centre de référence des neutropénies chroniques
Background
Shwachman-Diamond Syndrome (SDS) due to SBDS mutations is associated with a high rate of leukemic transformation. Mutational somatic profile was evaluated in this cohort study. Methods: Based on the French SDS cohort of 57 patients, haematological data were correlated with targeted NGS performed.
Results We detect the presence of an acquired mutation in 32/57 SDS patients (56%) with VAF (Variant Allele Frequency) ranging from 0.5% to 82.6%. Five patients had more than one mutation either concomitantly or at different times of evolution. The other mutations detected affect the DNMT3A (2 patients), IDH1, SF3B1, PHF6, SMC1A, ASXL2, FLT3 and KRAS genes. The longitudinal follow-up of 13 patients shows that the VAFs of TP53 mutations can grow or decrease and that clones can become detectable or undetectable over time in the same patient. In 11 patients we detected TP53 mutations with VAFs greater than 10% (affecting more than 20% of the cells analyzed). Of these, 5 patients were in fatal leukemic transformation with complex karyotype, 1 were at the SMD stage with excess blasts, 2 were in severe cytopenia without SMD, and 3 had no severe cytopenia with stable or decreased VAF over time. In the rest of the cohort, we observe that patients who do not have mutated TP53 clone clones or clones with low VAF (<10%) have few severe hematologic complications.
Conclusion
Mutations of TP53 are detected in half of the SDS and constitute a somatic event essential in the evolution in SMD or LAM, detectable early.