Introduction

Le cas princeps a été décrit en 1964 par Krill et Zuelzer[1]. Sur les 45 années suivantes, 61 cas ont été rapportés[2]. Initialement, il n’était pas décrit d’autres anomalies chez ces patients en dehors de la neutropénie, mais ultérieurement, des anomalies immunologiques ont été rapportées : lymphopénie et hypogammaglobulinémie modérée. Le terme WHIM est un acronyme pour Warts (verrues en anglais), Hypoglobulinemia (hypogammaglobulinémie), Infections et Myélokathexis.

Le syndrome de WHIM (OMIM 193670) est secondaire à une mutation activatrice du gène codant pour un récepteur membranaire, le CXCR4, à la surface des cellules sanguines[3]. Le CXCR4 a pour ligand la molécule CXCL12, et ensemble ils jouent un rôle important dans la migration des cellules hématopoïétiques, notamment hors de la moelle osseuse. Le milieu médullaire est riche en CXCL12, les cellules sanguines y résident alors, via l’interaction de CXCR4 avec CXCL12. Une mutation dite « gain de fonction » ou « activatrice » du CXCR4 permet à ce dernier d’interagir plus longtemps avec CXCL12 ce qui aboutit à la rétention des cellules sanguines, dont le polynucléaire neutrophile, dans la moelle osseuse.
Cette rétention des cellules hématopoïétiques entraîne plusieurs conséquences : l’aspect cytologique de myélokathexis (kathexis en grec signifie rétention) rencontré sur le frottis médullaire qui très suggestif de la maladie, mais pas pathognomonique ; la leucopénie et le défaut de maturation des cellules du système immunitaire adaptatif responsable de l’hypogammaglobulinémie ; la neutropénie à l’origine des infections récurrentes[2].

Transmission génétique

Le syndrome de WHIM est transmis selon un mode autosomique dominant. Une mutation est alors suffisante pour avoir la maladie. Les malades sont dits alors hétérozygotes et ont 50% de risque de transmettre la maladie à leurs enfants.
Le récepteur CXCR4 est codé par un gène situé sur le chromosome 2 en 2q22.1.

Expression hématologique et clinique

La neutropénie que présentent ces patients est sévère (en règle générale inférieure à 500 cellules/l), et est surtout associée à une lymphopénie et une monocytopénie.
Pourtant, les patients WHIM ne présentent que rarement des infections bactériennes graves car ils arrivent à mobiliser leurs neutrophiles rapidement depuis la moelle osseuse face à un stress ou une infection. En dépit de ceci, ils présentent des infections récurrentes avec une prédilection pour les infections otosinusiennes et respiratoires. Ces infections répétitives peuvent être responsables de surdité et de dilatation des bronches (bronchectasie).

Les patients WHIM présentent, plus rarement que les autres types de neutropénies congénitales, une atteinte stomatologique et dentaire caractérisée par une aphtose récidivante, une gingivopathie chronique, et des caries dentaires.
Contrastant avec les autres types de neutropénies congénitales, on y retrouve une moelle riche avec une proportion augmentée de cellules myéloïdes granuleuses et parfois la première interprétation conclut à une neutropénie périphérique. Mais l’analyse morphologique précise retrouve un myélokathexis dans tous les cas et réoriente le diagnostic.
Bien que l’hypogammaglobulinémie fasse partie de l’acronyme de ce syndrome, sa présence n’est pas constante. Elle est évaluée à 20% dans la cohorte française(2). Quand elle est présente, elle est légère à modérée, affecte un ou plusieurs sous types d’immunoglobulines (IgG, IgA et IgM), et est associée à une réponse vaccinale faible et temporaire.

Les patients WHIM développent aussi des verrues secondaires au virus de l’HPV (pour Human Papilloma Virus). Ces verrues peuvent être extensives et apparaissent au niveau des mains et des pieds à partir de la deuxième décennie (70% des patients entre 10 et 20 ans). Elles touchent le visage dans une minorité de cas. L’atteinte périnéale ou anogénitale, sous formes de verrues ou de condylomes, est rapportée dans 23 à 28 % des cas. Elle marque un point tournant dans les vies des patients de par les tentatives répétées d’éradication de plus en plus invasives. Les verrues dans le syndrome de WHIM sont connues pour être réfractaires aux différents traitements et peuvent évoluer vers des dysplasies et des tumeurs épithéliales.
Autre différence avec les autres types de neutropénies congénitales, aucun syndrome de WHIM n’a été associé à une myélodysplasie ou une hémopathie maligne. Mais 4 cas de lymphome B ont été rapportés.
En dehors des anomalies immuno-hématologiques, des malformations cardiaques de type tétralogie de Fallot sont observées dans près de 30% des cas[4].

Thérapeutique

Plusieurs options thérapeutiques sont envisagées dans le syndrome WHIM[5].
Les infections bactériennes aiguës peuvent être traitées au cas par cas. La prophylaxie des infections est plus compliquée. Le GCSF, classiquement mis en œuvre dans les infections des patients neutropéniques, est peu efficace ici, source d’inconfort (douleurs osseuses) et de fait peu employé. Le G-CSF participe aussi au maintien d’un bon état bucco-dentaire en réduisant les épisodes de stomatites si ceux-ci sont présents.
On peut proposer une prophylaxie antibactérienne (Cotrimoxazole).

La substitution par les immunoglobulines polyvalentes aide les patients WHIM à augmenter leurs taux d’IgG et à prévenir les infections ORL et respiratoires répétitives. Ce traitement est aussi bénéfique même chez les patients ne présentant pas une hypogammaglobulinémie, vu qu’il permet de réduire le risque de développement de bronchectasie.
Le traitement des verrues dans le cadre du WHIM est long et peu efficace. Les verrues sont résistantes à toutes les modalités thérapeutiques (acide salicylique, cryothérapie, imiquimod, interférons, …). La prévention par la vaccination anti-HPV est protectrice. Mais compte tenu la couverture vaccinale chez les patients WHIM, des rappels semblent être raisonnables (par exemple tous les 5 ans). Le suivi régulier avec un dermatologue expérimenté est très recommandé afin de dépister précocement les lésions suspectes de dégénérescence maligne.

Un traitement ciblé semble être très prometteur dans le traitement du syndrome de WHIM. 2 molécules sont aujourd’hui disponibles : le plerixafor et le mavorixafor. Les premiers résultats sur 3 patients ont été publiés [6, 7] Ces molécules sont des antagonistes de CXCR4. L’inhibition de CXCR4  (qui est anormalement activé dans cette pathologie) libère les neutrophiles et les lymphocytes de la moelle osseuse et corrige les différentes manifestations du WHIM, y compris les verrues.

Bibliographie

  1. ZUELZER WW. « Myelokathexis »–A New Form of Chronic Granulocytopenia. Report of a case. N Engl J Med 1964;270:699-704.
  2. Beaussant CS, Fenneteau O, Plouvier E, Rohrlich PS, Daltroff G, Plantier I, et al. Description and outcome of a cohort of 8 patients with WHIM syndrome from the French Severe Chronic Neutropenia Registry. Orphanet J Rare Dis 2012;7:71.
  3. Hernandez PA, Gorlin RJ, Lukens JN, Taniuchi S, Bohinjec J, Francois F, et al. Mutations in the chemokine receptor gene CXCR4 are associated with WHIM syndrome, a combined immunodeficiency disease. Nat Genet 2003;34:70-4.
  4. Badolato R, Dotta L, Tassone L, Amendola G, Porta F, Locatelli F, et al. Tetralogy of fallot is an uncommon manifestation of warts, hypogammaglobulinemia, infections, and myelokathexis syndrome. J Pediatr 2012;161:763-5.
  5. Badolato R, Donadieu J. How I treat warts, hypogammaglobulinemia, infections, and myelokathexis (WHIM) syndrome. Blood 2017.
  6. McDermott DH, Liu Q, Velez D, Lopez L, naya-O’Brien S, Ulrick J, et al. A phase 1 clinical trial of long-term, low-dose treatment of WHIM syndrome with the CXCR4 antagonist plerixafor. Blood 2014;123:2308-16.
  7. McDermott DH, Pastrana DV, Calvo KR, Pittaluga S, Velez D, Cho E, et al. Plerixafor for the Treatment of WHIM Syndrome. N Engl J Med 2019;380:163-70.